Les hivers new-yorkais sont mieux agrémentés d’une réverbération brutale ou de synthés glacés. Model/Actriz et Nation of Language, deux nouveaux venus bien-aimés de la scène indépendante de Brooklyn, maîtrisent ce froid particulier des deux côtés du spectre. Quelque part au milieu se trouve Amiture, un duo composé de Jack Whitescarver et Coco Goupil. Ce dernier groupe issu de la nouvelle école de rock de New York exprime un sérieux isolement à travers des guitares hurlantes et des boîtes à rythmes rapides, un désir de danser seul dans le noir.
Alors que leurs débuts La plage était relativement lourd en synthés, leur suivi Moteur mère est sombre comme une nappe de pétrole et tout aussi grossier. Les grooves ici semblent légèrement de travers, oscillant entre le dansant et le complètement déprimant. Whitescarver chante avec férocité tout au long, sa voix tremblante s’envolant avec le rock’n’roll qui couve, même si elle frise parfois un grognement inaudible. Pourtant, des morceaux comme le single « Billy’s Dream » flou le réduisent malheureusement à un grognement sourd perdu dans une mer de batterie et de réverbération.
Mais ces modulations vocales ont le potentiel de toucher le cœur. Sur une guitare en boucle et des percussions froides et clairsemées, « Dirty » raconte l’histoire d’un désir étrange d’une vieille flamme se faisant désormais passer pour hétéro. « Tu es comme moi/Tu veux être une dame/Tu veux que ce soit sale », murmure Whitescarver à son ancien copain, évoquant une douleur bien trop familière à tout amoureux excité rejeté. Sur « Baby », le grognement haletant de Whitescarver glisse sur une batterie optimiste. Un morceau particulièrement effrayant se présente sous la forme de « Cocaïne » : ouvrant le dernier tiers lugubre du disque, la drogue homonyme sert de métaphore à l’amant toxique de Whitescarver, une relation qu’il compare à « tout comme [his] père »dans une râpe de mari. C’est un trip-hop torride pour les accros à l’amour ayant des problèmes de papa.
À mi-chemin à travers, Moteur mère commence à crépiter. « HWL » ressemble à une face B de Garbage qu’il vaut mieux laisser de côté de l’album, portée uniquement par la voix flottante de Whitescarver. La chanson le positionne comme le dernier d’une longue lignée de leaders du rock alternatif dont les paroles peuvent difficilement être distinguées au-delà du drame vocal. Vers la fin, l’instrumental « Porte Sosie » prouve que le groupe n’a pas besoin de se fier à la beauté fantomatique des tuyaux du chanteur. Des riffs de guitare électrique superposés s’affrontent dans un miasme chaotique, ravivant un disque qui à ce stade ressemble à du slosh post-punk. Des moments comme ceux-ci sont la preuve de l’âme crépitante et convaincante de cet album.