Si Avalon Emerson semble tout savoir, & le charme souhaite qu’il puisse en savoir moins. Les paroles de « Sandrail Silhouette » ou « Hot Evening » se jouent comme si quelqu’un se remémorait la lueur incandescente de diapositives photographiques vintage, faisant allusion à des détails juste en dehors du cadre. La musique semble un peu intentionnellement inadaptée, un peu décalée, car au lieu de plier les tempos ou la hauteur dans un mix DJ, Emerson joue avec les mécanismes de synchronisation émotionnelle de la nostalgie. Dans la chambre d’isolement douce-amère de « Entombed in Ice » ou dans le souvenir idyllique du voyage en avion sur « Dreamliner », vous pourriez percevoir quelque chose de l’ambiance pandémique, une fatigue spirituelle mélancolique combinée à la faible lueur d’une possibilité non réalisée. Un album sur la mémoire est aussi un album sur l’oubli, sur des futurs passés à jamais inexplorés.
Le style plus réfléchi et introverti de & le charme manque une partie de ce qui caractérise les meilleurs morceaux de club d’Emerson : la fluidité confiante et la sociabilité animée de quelqu’un qui a organisé de nombreuses grandes soirées avant d’assembler des rythmes à la maison. Dans la vanité de l’album solo de l’auteur-compositeur-interprète, dans les circonstances de la pandémie, Emerson est coincée – « pire, Californie-pillée » – et nous sommes à ses côtés pendant toute la durée. Sa voix pas vraiment de chanteuse donne à l’album sa personnalité distinctive : douce et désarmante, hermétique et un peu timide, pas vraiment comme Marie Davidson, qui était effectivement méchante une partie du temps, mais plus comme Arthur Russell dans le la façon dont le chant pas vraiment d’Emerson confère une sincérité spontanée.
Sincère, autodidacte, conçue sous les auspices de la crise que tout le monde souhaite pouvoir laisser derrière elle : Pas étonnant qu’Emerson elle-même s’attende à ce que cette musique fasse un peu grincer des dents. Mais & le charme est si calme et indifférent à vous impressionner que c’en est légèrement déconcertant. « Pendez les lâches, pendez les DJ », songe Emerson à un moment donné, comme un coup de coude effronté et autodérision envers les gens qui préfèrent ne pas révéler leur identité complète et imparfaite dans leur art. Tout ne se sent pas sans effort: les léchages de basse de synthé wubby sur « A Vision » ont bouleversé l’équilibre de la voix poids plume d’Emerson, et le joli mais inerte « The Stone » aurait pu être un intermède. Mais il est bien placé pour reprendre son souffle avant l’enivrant « Dreamliner », une de mes chansons préférées cette année. Ce n’est pas par hasard que c’est le morceau qui atterrit le plus près de Nighttime Avalon, l’un de ces quatre étages satisfaisants qui se décollent sur les bords pour laisser s’infiltrer leur lueur psychédélique romantique. Qui a besoin d’un refrain ?
Tout cela, bien sûr, aurait été beaucoup plus difficile à réaliser après le LP banger techno qu’Emerson a sûrement encore planqué dans son cerveau. Quand tu es assez célèbre pour avoir un public et pas assez célèbre pour décevoir les occasionnels, c’est vraiment le moment parfait pour un disque comme celui-ci. Et & le charme se sent juste à temps en général : pour la culture club qui passe à la pop, pour les nouveaux albums des ancêtres club-goes-pop Everything But the Girl et Alison Goldfrapp, pour le nouveau projet de l’année dernière d’Elizabeth Fraser de Cocteau Twins, pour une nouvelle chanson de Rae Sremmurd ( et un morceau semi-officiel de Jason Derulo) échantillonnant la reine de la radio soft-rock Y2K Dido, pour le remake d’Alice Deejay par Kim Petras et Nicki Minaj. L’ambiance est aux pastels lumineux, au balancement élégant, à l’électro adulte-contemporaine et à une attitude non peignée et inconsciente qui revient tout de suite à être cool, et Avalon Emerson l’a compris.
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