Le multi-instrumentiste dominicain Diego Raposo joue avec le contraste sur YO NO ERA ASÍ PERO DE AHORA EN ADELANTE, SÍ. Mêlant breakbeats de la jungle, guitare électrique floue et basse frénétique avec une production downtempo mélancolique, le nouvel album de Raposo, qu’il factures comme ses débuts, contraste fortement avec celui de 2018 Caraïbes Express. Cette mixtape s’inspire plus évidemment de ses racines caribéennes, utilisant des congas, des riddims dembow et du merengue. Dans son dernier article, la question de l’identité n’est pas aussi claire : il brandit toujours le rouge, le blanc et le bleu de la République dominicaine, mais son drapeau bizarre flotte au-dessus d’eux.
L’album est construit autour d’ambiances oscillantes. Les morceaux de club emo créés pour perreando y llorando se mélangent librement avec des morceaux hyperactifs nés pour les raves et les mosh pits ; les kicks gabber cèdent la place au pop punk sucré et collant. Sur « NORMAL », la voix de son collègue producteur de Quisqueyano, Yendruy Aquinx, s’accumule en couches d’Auto-Tune sur des synthés luxuriants ; l’énergie change sur « AL CONTRARIO », où le chilien AKRIILA se lance dans Auto-Tune sur des breaks rapides dans la jungle et des guitares alt-rock. Le traitement vocal extrême est l’un des outils signature de Raposo ; il trouve un équilibre entre effets numériques glacials et chaleur humaine alors qu’il réédite et déforme ses chanteurs invités.
La voix du chanteur indie-pop équatorien Kabrito se transforme en hyperpop mousseuse dans « QUÉDATE ». MJ Nebreda, nouvelle recrue électronique de Miami, canalise sa meilleure diva néoperreo sur « EN LA DISCO », une mise en scène à combustion lente qui culmine dans une pulsation de club au ralenti. Dans l’ouverture mélancolique « 19.322239, -68.540659 », l’idole mexicaine queer Blue Rojo, qui a travaillé avec Raposo sur l’enjoué « NO TE KIERO OLVIDAR » de l’année dernière, interprète des courses vocales angéliques et arca-esques sur des fioritures électroniques glitcheuses. Bien qu’elle ne dure qu’une minute, la chanson semble pouvoir durer éternellement. Il est donc normal que les coordonnées du titre cartographient un point situé juste au nord-est de l’île natale de Raposo, dans la vaste étendue de l’océan Atlantique.
Les changements qui suivent cette introduction calme et douce montrent à quel point Raposo peut être espiègle : « EL UNDERGROUND » est un hymne rave ultra-rapide qui soutient la voix séduisante de mediopicky (« Tengo hambre/Quiero tu sangre/Soy un vampiro/Y tu eres mi carne ») avec des grosses caisses à tir rapide ; puis « A&R » passe du pop-punk au screamo en moins d’une minute. Même si ces moments ressortent, ils s’inscrivent parfaitement dans la philosophie punk caribéenne de l’album. Et même s’il peut sembler surprenant d’entendre Raposo faire de la musique rock, cela ne devrait pas être le cas : il s’agit du producteur qui a donné vie à la réinterprétation du golden boy du papetón vénézuélien Danny Ocean, par Danny Ocean, des héros du rock alternatif de Caracas, « Rubia Sol, Morena » de Caramelos de Cianuro. Lune. »