La leader du groupe Meernaa, Carly Bond, décrit son processus d’écriture de chansons comme une « méditation psychédélique », une expérience si immersive que lorsqu’elle entre dans le courant, elle oublie de manger. Sur les débuts du groupe, en 2019 La faim du cœur, des solos de guitare ludiques et une production kaléidoscopique ralentissent la musique ce sentiment d’exploration sans limites. Leur suivi, Jusqu’ici, tout va bien, est une collection plus émouvante et introspective de chansons folk dont la guitare jouée au doigt, les lignes de synthé vaporeuses et les arrangements de cordes plongeants se diffusent comme de la fumée.
Si la méditation a un but, c’est de pouvoir voir passer vos émotions plutôt que de les laisser vous submerger ou vous contrôler. Les paroles de Bond adoptent une perspective similaire. Ils sont pleins de désir, mais ils maintiennent une position d’observation. Bond éditorialise rarement ses sentiments, assemblant plutôt des images abstraites pour les représenter, donc écouter ressemble moins à lire un journal de rêves qu’à regarder une interprétation cinématographique expérimentale de vos propres rêves. (Je me souviens du court métrage de la cinéaste d’avant-garde Maya Deren et Alexandr Hackenschmied Les mailles de l’après-midiqui raconte et raconte silencieusement une séquence de rêve, changeant de petits détails à chaque répétition.)
Dans ses compositions, Bond a tendance à puiser dans un ensemble récurrent de phrases – « rêves », « tendresse », « le cœur » – et à les coller ensemble sans trop se concentrer sur la linéarité narrative. Plutôt que de paraître désorientantes ou incomplètes, les images disparates forment des ensembles étonnamment poignants. Sur « As Many Birds Flying », Bond dérive à travers un riff de guitare haletant et les rubans de synthétiseur de son coéquipier Rob Shelton alors qu’elle se souvient de l’eau qui coule, d’un ciel tournant à la lavande et de la voix d’un amoureux résonnant dans un canyon. Les scènes se déroulent sans beaucoup d’explications, mais ensemble, elles établissent un sentiment d’émerveillement démesuré face à l’amour qu’elle a autrefois vécu mais auquel elle ne peut plus accéder.
Dans « Mirror Heart », Bond décrit différents aspects du visage d’une personne sans utiliser la vue : chaque trait remplace une émotion qu’il évoque, de la tendresse de ses yeux à la sauvagerie de son sourire. Lorsque l’amour et le désir sont si intenses et amorphes que le langage échoue, l’écriture sur Jusqu’ici, tout va bien crée une constellation de petits moments qui parlent de ces grands sentiments. Bond capte la lueur dans les yeux de quelqu’un ou le regarde retourner une pierre dans ses mains, puis nous demande de relier les points avec nos propres associations.
Sa voix aussi exprime un désir muet. Dans l’ouverture de « On My Line », elle chante l’attente anxieuse d’un appel téléphonique, mais décide d’enterrer ses sentiments. Un riff de guitare grinçant éclate et la batterie du percussionniste Andrew Maguire mijote alors que Bond passe d’un fausset prudent à un gémissement, utilisant la retenue et la patience pour relayer un sentiment de frustration à peine contenue. « Bhuta Kala » est un appel à quelqu’un d’autre pour qu’il s’attarde dans un état de rêverie mutuelle. Ici, son chant s’intègre si parfaitement avec la guitare et les cordes étoilées qu’on pourrait avoir l’impression que les sons émergent du même instrument.
Tout au long de l’album, Bond aspire à l’amour mais parvient rarement à le saisir. Il n’y a pas de résolution, juste un brouillard de souvenirs et une logique de rêve elliptique. Mais malgré l’intensité de l’émotion, les arrangements symphoniques et élégants rendent ses paroles accessibles et invitantes. Hon Jusqu’ici, tout va bienelle fournit un échafaudage d’impressions sur lequel nous sommes invités à partager nos propres récits, faisant aussi de cette musique la nôtre.
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