Les premières notes de « Long Gradus (strings) » sont si fragiles qu’elles peuvent se briser à tout moment. Chaque membre du quatuor à cordes Quatuor Bozzini s’incline sur un long ton sans vibrato ni autre ornementation, l’étirant jusqu’à ce qu’il devienne mince comme du papier. C’est comme le squelette d’un morceau de Sarah Davachi : juste les notes, aucune réverbération. Pour écrire Diplôme long, la compositrice basée à Los Angeles s’inspire de nombreuses idées qui ont façonné son travail au fil des années : des tempos lents, une intonation juste, des harmonies inspirées de la polyphonie médiévale et de la Renaissance. Mais là où ses albums précédents semblaient caverneux, Diplôme long dépouille sa musique jusqu’à ses os, en se concentrant sur le timbre de chaque note individuelle.
Davachi composé Diplôme long alors qu’elle était en résidence à la Cuisine des Compositeurs du Quatuor Bozzini. Les artistes ont travaillé en étroite collaboration pour développer cette pièce qui explore la psychoacoustique, la science du son et de la perception, à travers des sons soutenus. Il est composé de quatre mouvements, chacun d’une durée comprise entre 15 et 17 minutes, qui progressent à travers une série d’intervalles, suivant leur évolution dans le temps. Conçu comme un travail ouvert, Diplôme long propose des lignes directrices mais pas de règles strictes, il peut donc être joué par n’importe quel groupe de quatre instruments.
Dans la version album, Davachi montre l’adaptabilité de la composition en présentant des enregistrements de quatuor à cordes, de bois, de cuivres et d’orgue, de chœur et d’électronique, démontrant comment la pièce se traduit à travers les instrumentations. Davachi n’a jamais hésité à écrire de longs morceaux (ses albums durent souvent une heure ou plus), mais Diplôme long pousse son travail à un nouvel extrême. Ses quatre disques s’étalent sur quatre heures et demie, examinant les contours de l’œuvre sous toutes les coutures.
Partout, les tons entrent et s’estompent avec la facilité de la respiration. Chaque mouvement passe des tons graves aux aigus de manière presque imperceptible, à l’exception de quelques conflits occasionnels entre les fréquences, et de longues pauses entre les notes confèrent à la musique une qualité glaciale. Davachi a toujours exploré le mouvement mesuré et subtil : ses progressions prolongées semblent souvent exister en dehors du temps, se déplaçant à un rythme guidé par l’intuition. Mais c’est une image agrandie, et Diplôme long montre le granuleux : Avec cette composition, Davachi nous invite à faire le point sur chaque tonalité dans les moindres détails.