La morosité existentielle est une saveur clé de Plus l’ombre est sombre, plus la lumière est brillante, et bien que ce titre implique la dualité, l’obscurité a souvent le dessus. Les tropes familiers de la dépression font l’objet d’un entraînement approfondi : « Le chien noir me suit pendant que je marche », rappe-t-il sur « Each Day Gives ». « La marche de la honte est mon trajet quotidien », dit « Walk of Shame ». « Bright Sunny Day » est tout sauf trois minutes et demie de pensées orageuses et d’auto-récriminations qui ferment leurs rideaux au monde. Skinner, à son meilleur, a le don de raconter des histoires et de dessiner des personnages, mais ici, il semble plus intéressé par sa propre crise de la quarantaine. Bien que la décision d’éviter l’exposition narrative semble intentionnelle, les chansons peuvent perdre de leur élan, dériver vers des paroles non sequitur et un nombrilisme.
Certains choix musicaux audacieux font bouger les choses, même lorsque le scénario s’essouffle. « Gonna Hurt When This Is Over » déroule des raps paresseusement opiacés sur un sitar bourdonnant, tandis que la chanson titre boucle un échantillon poussiéreux de jazz ragtime. Quelques chansons évoquent la magie d’autrefois : « Shake Hands With Shadows » capture la sensation de clubbing alors que l’obscurité cède la place à l’aube, la poésie élégiaque de la vie nocturne de Skinner se déployant sur des coups de pied percutants et des zaps dancehall. Le « Good Old Daze » de clôture, quant à lui, s’ajoute au catalogue croissant de chansons conçues pour évoquer l’expérience de monter dans un bus de nuit londonien. La plupart des musiques sur ce sujet sont enracinées dans la mélancolie pluvieuse de type Burial, mais le point de vue de Skinner est une célébration du bus de nuit en tant que creuset multiculturel, microcosme de la ville dans son ensemble. « Le bus de nuit pour rentrer chez soi est comme un club de bus de nuit », réfléchit-il avec des soupirs gospel, et c’est le moment le plus chaleureux et le plus communautaire de l’album.
Quant au film que cette musique accompagne, il est ambitieux et plein d’idées mais déçu par un jeu d’acteur en bois et une intrigue alambiquée. Le point culminant de la fiction narrative de Skinner reste celui de 2004 Un grand ne vient pas gratuitement, un album qui fonctionnait à la fois comme un ensemble de morceaux autonomes et comme un arc narratif plus large, avec une touche véritablement rédemptrice. Par comparaison, Plus l’ombre est sombre, plus la lumière est brillante est ample et flou. S’il veut vendre une promesse de salut, il lui faut une meilleure histoire à raconter.
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