À 82 ans, René pensait enfin pouvoir retrouver un peu de calme dans sa maison familiale, située dans un petit village de l’Hérault. Mais après avoir réussi à faire expulser les squatteurs qui occupaient son bien depuis plus de deux ans, cet ancien artisan a reçu un coup de massue inattendu : une facture d’eau de 100 348 €, censée couvrir la consommation astronomique laissée par les occupants illégaux.
« J’ai cru à une erreur informatique. Puis j’ai vu les chiffres, noir sur blanc.
Cent mille euros, pour de l’eau que je n’ai jamais utilisée », raconte René, encore sous le choc.
Ce cas absurde soulève un problème juridique majeur : en France, les compteurs d’eau restent souvent au nom du propriétaire, même en cas d’occupation illégale, ce qui peut le rendre responsable d’une consommation qu’il n’a pas provoquée.
Des squatteurs partis, mais une facture colossale laissée derrière eux
René avait hérité de cette maison il y a plus de vingt ans. En 2021, alors qu’il vivait temporairement chez sa fille, des squatteurs s’y sont installés et ont changé les serrures du jour au lendemain.
Après un long parcours judiciaire, l’expulsion a finalement eu lieu au printemps 2024. Mais quelques mois plus tard, le choc : plus de 6 000 m³ d’eau auraient été consommés pendant cette période, soit l’équivalent de 50 années de consommation normale pour un foyer moyen.
La société de distribution d’eau a confirmé que le compteur fonctionnait et qu’il n’y avait aucune fuite apparente : toute cette eau aurait bien été consommée par les occupants.
« Nous avons découvert des piscines gonflables dans le jardin, et un système de lavage de voitures installé dans le garage », indique un voisin.
« Ils faisaient venir des gens, c’était devenu un vrai business. »
Les propriétaires victimes de squats peu protégés
En droit français, la loi considère que le titulaire du contrat reste responsable des factures, même si le bien est occupé illégalement. Si le compteur d’eau n’a pas été résilié avant l’occupation, toutes les consommations sont facturées au nom du propriétaire.
Les principales difficultés rencontrées dans ce type de situation :
- Procédures d’expulsion très longues : souvent plus d’un an, parfois plusieurs années
- Impossibilité légale de couper l’eau ou l’électricité sans décision de justice
- Factures qui continuent de courir pendant toute la durée de l’occupation
- Responsabilité financière qui reste au nom du propriétaire, même sans accès au logement
- Dommages matériels souvent non couverts par les assurances en cas de squat
Cette affaire met en lumière un vide juridique qui laisse les propriétaires financièrement responsables de consommations qu’ils n’ont pas provoquées et qu’ils n’ont pas pu empêcher.
Une consommation d’eau hors normes
| Donnée relevée | Valeur estimée |
|---|---|
| Durée d’occupation illégale | 2 ans et 3 mois |
| Volume consommé | 6 024 m³ (mètres cubes) |
| Consommation moyenne d’un foyer | 120 m³ / an |
| Surconsommation estimée | x25 plus que la moyenne nationale |
| Montant total facturé | 100 348 € (tarifs, taxes et redevances incluses) |
Un avocat spécialisé en droit immobilier explique que la seule possibilité de contester la facture serait de prouver que le compteur a été manipulé ou défectueux — ce qui n’est pas le cas ici.
La compagnie d’eau a proposé un échelonnement de la dette sur 10 ans, ce que René juge « absurde », car il vit avec une pension de 1 200 € par mois.
« À mon âge, je pensais finir tranquille dans ma maison… pas rester endetté jusqu’à ma mort pour de l’eau volée », soupire-t-il.
Des associations de défense des propriétaires demandent désormais une réforme de la législation, afin que les factures d’eau et d’énergie puissent être suspendues automatiquement dès la constatation d’un squat.