2e année : Critique de l'album Explosions programmées

« Instant Nostalgia », une chanson du dernier album de 2nd Grade, Explosions programméess'ouvre sur les lieux d'une catastrophe provoquée par son narrateur. Malgré la menace imminente du temps fédéral et le besoin urgent d'une équipe de nettoyage, l'ambiance dominante est déchiqueteuse, forte de claquements de mains et de riffs byrdsiens. Nous ne restons pas assez longtemps pour résoudre le crime, même si l'on peut en déduire qu'une détonation a jonché le sol de barres chocolatées grandeur nature. « Le traitement de choc a une valeur de choc », roucoule le leader Peter Gill, répétant le titre de la chanson dans une harmonie vocale multipiste. Dans le monde qu'il a imaginé pour le troisième album du groupe de Philadelphie, la réminiscence n'est pas qu'un refuge confortable. L’esthétique de la guerre froide dont le groupe a longtemps tiré son influence, comme la power-pop sucrée des années 1960 et le rock universitaire sudiste de l’administration Reagan, recèle un courant sous-jacent de paranoïa nucléaire.

Malgré ses crochets joyeux et sa finition bruyante, Explosions programmées est une écoute existentiellement troublante, parsemée d'émissions radio conspiratrices, de déploiements de missiles et de nihilisme apocalyptique. C'est un sujet non conventionnel pour la Sunshine Pop, mais l'effroi équilibre le goût de Gill pour les chansons mignonnes et décalées. Gill écrit toujours par courtes impulsions, emballant des albums avec des morceaux de 90 secondes d'une fidélité variable dans la veine de Guided by Voices. Mais cet ensemble d’œuvres ressemble moins à un chapbook qu’à un roman. Lorsque 2nd Grade prend un moment pour prendre du recul par rapport au récit, le confort s'intensifie. Les grattoirs lo-fi « Joan on Ice » et « King of Marvin Gardens », dégoulinants de réverbération et d'angoisse adolescente, sont de tendres répits du panache paranoïaque.

Les chansons fragmentées et ultra-brèves de Gill lui permettent de se livrer à des idées excentriques qui ne justifient peut-être pas un développement complet. «Crybaby Semiconductor», un jingle déformé sur le génie logiciel qui sied à un obscur album d'Elephant 6 Collective, s'userait s'il franchissait la barre des minutes. Condensé en un seul couplet, il constitue un charmant dard entre les scènes. Au double de la longueur, « Ice Cream Social Acid Test » semble surmené en comparaison, marinant des paroles vaguement trippantes dans des tropes psych-rock vintage sans clouer un refrain solide. Parmi les morceaux qui suivent la structure des chansons pop traditionnelles, « Triple Bypass in B-Flat » colle le mieux à l'atterrissage, avec des arpèges plongeants et de belles voix dans le registre aigu : il est difficile d'écrire quoi que ce soit d'original sur la timidité, mais la ligne simple et écrasante « A la langue meurt à chaque fois que j'essaie de dire « salut » » fait l'affaire.