Mélodies en pause est un titre qui sonne mieux à Julian Casablancas, le Stroke qui passe son temps libre à colporter du bruit skronk avec le Voidz. Albert Hammond Jr. essaie-t-il vraiment de nous dire qu’il a tourné le dos aux crochets ? Le cadrage ironique de cet album solo mélodieux souligne le sens de l’humour du guitariste, une qualité souvent obscurcie par son travail quotidien dans un groupe qui apprécie le cool sans affectation.
Il n’y a pas beaucoup de cool conventionnel à trouver sur Mélodies en pause. La stratégie de sortie prolongée – les neuf premiers titres sortis numériquement le mois dernier – peut être une réponse calculée à un marché sursaturé, mais elle aide également à digérer ce double album amorphe, dont l’étalement tranquille reflète sa longue période de création. Hammond a commencé à travailler sur le matériel peu de temps après sa sortie François Trouble en 2018.
L’écriture compulsive a été son état constant pendant des années, sa productivité entravée uniquement par le fait que les paroles viennent aussi lentement que les accords viennent rapidement. Hammond a admis Le gardien, « Je n’entends pas toujours les paroles d’une chanson », un problème qu’il a cette fois résolu en collaborant avec Simon Wilcox, un auteur-compositeur-interprète canadien qui a écrit pour Carly Rae Jepsen, Selena Gomez et Nick Jonas. Le couple s’est engagé dans une série de longues conversations téléphoniques que Wilcox a utilisées comme source d’inspiration pour les paroles. Le processus a produit 19 chansons pour un double album qui ressemble moins à une déclaration cohérente qu’à un centre d’échange d’idées.
La décision de Hammond d’embaucher Wilcox est la preuve qu’il desserre les rênes sans vraiment les lâcher. Les paroles de Wilcox imitent souvent les cadences des premières années des Strokes, filtrant les pensées, les rêves et les impressions du guitariste dans la chanson conversationnelle caractéristique du groupe. Quand il chante « Cocktails à la foule ivre/Il veut parler mais c’est trop fort/Alors il se tient juste debout et la regarde/Comme si elle était un oiseau exotique », sur « I Got You », cela ressemble à une évocation consciente de la décadence insouciante des Strokes vers l’an 2000, mais les temps ont changé. Aujourd’hui, Hammond apparaît comme un observateur et non comme un participant. C’est peut-être pour cela qu’il enfouit sa voix dans le mix, ou peut-être est-ce parce qu’il est un mec de la musique et non un mec des mots : la voix n’est qu’un instrument parmi d’autres, la mélodie le moteur d’une chanson pop.
Mélodies en pause est essentiellement un album pop, une collection de confections brillamment séduisantes qui regorge de guitares arène-rock dorées, de sons de synthé rétro et d’effets brillants. Matt Helders, le batteur des Arctic Monkeys, propose un groove new-wave enjoué sur « Thoughtful Distress » ; le rappeur GoldLink se promène dans « 100-99 » pour livrer un couplet seulement ténuement lié à la chanson qui l’entoure. Mais ces fioritures apparemment superflues sont le point : ce qui se passe dans les marges donne Mélodies en pause sa forme.
Habituellement, ce flair est suffisant pour garder Mélodies en pause engageant, car il ne reste jamais immobile. C’est amusant d’entendre Hammond incliner son chapeau à Spoon sur le nocturne « Downtown Fred » ; « Dead Air » est un retour en arrière éclairé au néon; et « Never Stop » fanfaronnade comme un tube AOR qui rêve d’un MTV qui n’a pas encore été inventé. Certaines pistes sont plus convaincantes que d’autres, mais il faut s’y attendre lorsqu’un artiste écrit en lançant des idées au mur pour voir ce qui colle. Les mélodies de l’album de Hammond sont abondantes ; c’est l’envie de s’auto-éditer qui a pris une pause.
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