La musique du collectif Amor Muere, basé à Mexico, s’étend entre les états de rêve et le monde éveillé. Le groupe, composé du violoncelliste et auteur-compositeur Mabe Fratti, de la chanteuse et artiste sonore Camille Mandoki, de la violoniste Gibrana Cervantes et de la musicienne électronique et manipulatrice de bandes Concepción Huerta, a construit son projet sur une base d’amitié et de collaboration créative. Les quatre femmes se produisent en direct sur la scène locale depuis des années, s’asseyant les unes sur les autres et participant à une pièce multidisciplinaire à plus grande échelle écrite et mise en scène par Mandoki. En tant qu’Amor Muere (traduction : « Love Dies »), ils recherchent la liberté d’expression dans un cadre démocratique. Sur leur premier album, un temps pour aimer, un temps pour mourir, ils puisent dans les limites de leurs esprits conjoints et extraient des compositions avant-gardistes greffées de textures électroniques granuleuses, de cordes discordantes et de mélodies vocales envolées. Même dans leurs esquisses les plus abstraites, chaque musicien conserve une empreinte digitale distincte. Mais leur travail semble également taillé par une seule main.
Pour créer leurs débuts, Amor Muere a élargi et affiné le matériel développé au cours de plusieurs jam sessions au cours des dernières années. Certaines chansons mettent en valeur la dynamique de la texture et du silence : le « Shhhhh » sans paroles capture une conversation frénétique et créant entre le violoncelle de Fratti et le violon de Cervantes. Le dialogue est clairsemé au début, mais se transforme en une frénésie enchevêtrée alors que Huerta et Mandoki aiguillonnent les joueurs à cordes avec des explosions numériques et des lavages déformés de synthétiseur. Fratti chante la voix principale de « LA », une contrepartie ensoleillée du « Shhhhh » maussade qui retrace l’interaction entre les cordes frottées et les atmosphères électroniques. Son ton est marbré mais réfléchissant, comme du verre légèrement taché. « Suave aire sobre la cabeza/Sabe a dónde llegar » (« De l’air doux au-dessus de nos têtes/Sait où arriver »), chante-t-elle. Mesurant l’impulsion d’une brise qui dérive naturellement mais avec un but apparent, les paroles de Fratti, imprégnées de logique onirique, pourraient être une ode à l’improvisation elle-même.
« LA » partage son ADN avec Vidrio, un nouvel album réalisé par Fratti avec Héctor Tosta sous le nom de Titanic. Ce disque est plus léger, plus traditionnellement mélodique, et s’appuie sur la voix délicate et aquarelle de Fratti pour illuminer les compositions jazz vibrantes et itinérantes du duo. Mais avec Amor Muere, Fratti est libre de se promener sur des terrains plus escarpés, et sa voix offre un doux répit face aux bruits étranges qu’elle et ses camarades du groupe évoquent. Sur « Can We Provoke Reciprocal Reaction », les vocalisations de Fratti s’entrelacent avec le timbre enfumé de Mandoki, répétant « Oh, cette vie/Je veux tout recommencer/Je me suis évanoui », au sommet de cordes pincées et d’un synthétiseur gémissant. Le rythme ambiant et circulaire imite l’inspiration de la chanson : une promenade quotidienne. Amor Muere traite l’activité quotidienne avec un sentiment d’émerveillement, parsemant la chanson de bruits élastiques, métalliques, semblables à ceux d’une guimbarde, injectant un sentiment de jeu dans le sentiment de mouvement répétitif.