Lorsque Bryan Ferry déplorait, dans « Mother of Pearl » de 1973, « Si vous cherchez l’amour dans un monde de miroir/C’est assez difficile à trouver », il n’avait pas imaginé à quel point la recherche deviendrait facile. Vingt ans plus tard, à l’aube de la cinquantaine, l’ancien auteur-compositeur-interprète de Roxy Music sort l’album solo le plus insulaire de sa carrière. Il avait déjà épuisé la patience de certains critiques. « Ferry ressemble de plus en plus à Narcisse, ravi par son propre reflet dans l’étang et par la profondeur sans fond en contrebas. » Pierre roulanteAnthony DeCurtis d’Anthony DeCurtis a sifflé à propos des années 1987 Bête Noire.
Pourtant, se regarder si intensément témoigne non seulement du narcissisme, mais aussi de la confiance. Ferry avait des cheveux spectaculaires et il le savait. Taquiné et humidifié par des mains expertes, Mamouna est l’équivalent album de la frange de Ferry : singulière, source d’envie et d’amusement, composante essentielle de son mythe – et souvent véritablement belle. Cet ensemble de trois disques comprend cet album de 1994 ; morceaux inédits que Ferry avait enregistrés pour un projet appelé Horoscope; et des démos, dont certaines datent de 1989. « Les démos que je fais ont tendance à devenir les maîtres », a-t-il expliqué à Crème en 1993. « Ils sont sur la même bande, et davantage de feuillage pousse autour d’eux. » De cours le package est excessif – les fans de Ferry s’attendent-ils au minimalisme ? C’est un gars du feuillage.
Horoscope était censé être le nouvel album de Ferry. Il a merdé : il aurait dû savoir qu’il ne fallait pas sortir le titre avant le produit. Ce vieux diable, le blocage de l’écrivain, l’a paralysé ; les paroles, qu’il avait passé des années à réduire à une suggestion pointilliste, posaient problème. Il n’avait ni manager ni producteur. Pour un collectionneur confronté aux possibilités d’enregistrement sur 56 pistes, cela a dû être comme Narcisse entrant dans une salle de spectacle. En s’agitant, il a eu recours à une stratégie éprouvée : lui et le nouveau producteur Robin Trower, de Procol Harum, ont sorti un album de reprises intitulé Taxi, remarquable pour une version très essentielle de « Will You Love Me Tomorrow ? et un « All Tomorrow’s Parties » dont l’ambiance lounge-pop aurait pu donner naissance à Air. Rajeuni, il revient à son matériel d’origine, désormais appelé Mamouna, L’arabe pour la chance, dont il manquait.