Critique : DANIEL CAESAR – « Fils de Spergy »

DANIEL-CAESAR-Fils-De-Spergy-ALBUM-2025

Ashton Simmonds, alias Daniel Caesar, n'est pas seulement un phénomène incontesté : c'est un homme aux prises avec son propre reflet.

Avec « Fils de Spergy », quatrième sceau d'une carrière plus tourmentée que célébrée, César se dépouille de toute grâce lustrée pour arborer la vulnérabilité comme seule vérité possible.

Si dans ses œuvres précédentes sa plume s'était plongée dans les relations amoureuses et les introspections, ici l'accent est plus rapproché : le père, la foi, la culpabilité, la rédemption.

C'est un album d'expiation et de désenchantement, un album presque salvifique, qui s'ouvre comme un rituel avec Pluiegospel et prière suspendue avec Sampha. Les deux échangent le refrain « Seigneur, que tes bénédictions pleuvent sur moi », entre révérence et perplexité. C'est un début hésitant, presque pénitent, pour un artiste qui semble encore tiraillé entre exposition et évasion.

Dans Avoir un bébé (avec moi) César ne cherche pas l'amour : il a affaire à un héritage. « Fais un bébé avec moi », répète-t-elle, comme si avoir des enfants était le seul moyen de survivre à son échec. Il s’agit d’une pièce impitoyable, presque biblique, dans laquelle l’idée de paternité devient un acte de défi contre le temps. Dans Appelez-moi avec une approche sonore proche de Lenny Kravitz il retrouve une douceur fatiguée, une sensualité filtrée par le désenchantement, tandis que Bleu bébé il s'ouvre sur un final orchestral qui confine à un hymne religieux, où le sacré et le charnel se mélangent jusqu'à se confondre.

Racine de tout le mal révèle sa pop soul chorale, tandis que Luneavec Justin Vernon de Bon Iver, est une confession cosmique, un dialogue entre deux consciences qui s'éteignent. Le pic émotionnel vient avec Toucher Dieudans lequel Yebba et Blood Orange amplifient le désespoir dans un refrain qui sent la reddition. Plus d'amour (sur les femmes que je n'aime pas) avec 656yf4t, vous avez des traits R&B doux et nocturnes et accompagnez un Péchés du Père, encore avec Bon Iver, une chanson qui boucle la boucle : sept minutes d'introspection, de colère et de réconciliation, une chanson qui gratte l'âme plus qu'elle ne la guérit.

Sur le plan sonore, Caesar traverse les territoires de la soul contemporaine et de ses mutations les plus raffinées — entre gospel, R&B, pop de chambre et minimalisme presque folk. C'est un disque intense et imparfait, à l'image de celui qui l'a écrit : moins séduisant que ses prédécesseurs, mais plus nécessaire. Il ne cherche pas la rédemption chez les autres, mais en lui-même.

La couverture – un portrait granuleux sur fond rouge, marqué de trois symboles mystiques – est son icône privée : un manifeste d'identité et de foi, plus intime qu'esthétique.

Avec « Fils de Spergy », Daniel César ne demande pas à être compris, mais à être cru. Et ce faisant, il retrouve sa voix la plus authentique : fragile, consciente, têtue.

NOTE : 7,50

À ÉCOUTER MAINTENANT

Rain Down (Ft. Sampha) – Baby Blue (Feat. Norwill Simmonds) – Sins Of The Feather (Feat. Bon Iver)

À SAUTER IMMÉDIATEMENT

Un peu moins d'une heure. Un voyage à savourer sans hâte !

LISTE DES TRACES

DISCOGRAPHIE

2017 – Freudien
2019 – Étude de cas 01
2023 – Jamais assez
2025 – Fils de Spergy