Les liens entre le football et le rap français ne sont pas difficiles à trouver. Passion dévorante, culture de la compétition (et du chambrage), portée universelle notamment auprès des plus jeunes… La musique rap comme le football ont permis aux mêmes personnes de gravir l’échelle sociale, indépendamment de son milieu originel, et se sont imposés comme des références incontournables de la culture populaire en France.
« Si tu me tends la main, tends moi celle de Maradonna » Booba
Si le rap est sans conteste le genre musical le plus populaire en France de nos jours, son âge d’or remonte plutôt aux années 90. Porté par les mythiques IAM, NTM, MC Solaar, et autres Ministère A.M.E.R, le hip-hop prend rapidement d’assaut les clubs marseillais et parisiens. Le plus souvent, les paroles du rap français reprennent les mêmes thèmes qu’aux Etats-Unis : pauvreté, violence, inégalité sociale et esprit de rébellion. Des thèmes qui trouvent un écho auprès des jeunes et plus particulièrement ceux issus de familles modestes et/ou de l’immigration, très nombreuses à Marseille comme à Paris.
Et justement, cette démographie est en partie celle du football. « En dehors du sport et de l’art, ils ont peu d’options. Le rap comme le football transmettent un même message : Tu peux rester toi-même, ne pas changer ton comportement, garder ton langage et réussir », explique le sociologue Louis Hésus dans sa thèse sur l’ancrage du hip-hop dans les quartiers populaires. Le rap français et le football naissent au sein du même terreau, et ils vont donc tout naturellement s’épanouir ensemble.
La rivalité Paris Marseille
Nous sommes toujours au milieu des années 90, et le rap français est dominé par deux groupes : NTM à Paris et IAM à Marseille. Une opposition souvent exagérée mais qui rappelle forcément la rivalité OM-PSG. Pour les habitants de la cité phocéenne, Marseille est la ville du rap ET du foot français. Un avis que ne partagent évidemment pas les parisiens.
Comme les rappeurs sont les premiers fans de leur club local, ils deviennent volontairement un étendard supplémentaire de ces confrontations. Cette double rivalité entre les clubs de foot et leurs rappeurs respectifs s’instille organiquement dans le rap français et contribue à l’essor des deux disciplines.
Influence à double-sens
En raison de leurs racines communes, le football et le rap français s’inspirent donc mutuellement. Les rappeurs fantasment des sommes démentielles touchées par les footeux, de leurs moments d’histoires épiques, des trophées et du statut de stars planétaires :
- « J’n’ai confiance qu’en mon Desert Eagle et Zizou dans les arrêts de jeu » – Booba
- « Ils veulent savoir la recette, si t’es Messi je suis CR7 » – Jul
- « J’crache des perles comme Paul Pogba » – Gradur
- « Rien ne m’arrête, Leicester, Riyad Mahrez » – Alpha Wann
De l’autre côté, les footballeurs constamment rappelés à l’ordre au moindre écart et encadrés depuis leur plus jeune âge en centre de formation puis en club rêvent de la subversion et la liberté incarnée par des rappeurs révoltés.
Kool Shen est l’exemple parfait de cet aller-retour entre foot et hip-hop. En effet avant de devenir l’une des voix les plus emblématiques du rap français, celui qu’on appelait encore Bruno Lopes s’est vu offrir une entrée au centre de formation du RC Lens lorsqu’il était adolescent.
Il refuse car : « je pense que j’avais vraiment un bon potentiel, mais je suis de la région parisienne et je ne me voyais pas partir là-bas en internat à 14-15 ans », mais n’a jamais perdu sa passion pour le foot. Également devenu joueur de poker sponsorisé par Winamax, il participe parfois à des émissions de football pour la chaîne Youtube de l’un des meilleurs sites de paris selon MightyTips.
Dans le même genre, on pense au franco-marocain Noor Arabat, aka Dinor Rdt qui sortait son premier album de rap à 17 ans, alors qu’il évoluait avec l’équipe U19 de Sochaux. Sans club depuis 2021 et après un passage en Série A, il a entre-temps sorti deux albums supplémentaires !
A contrario, de nombreux footballeurs font le chemin inverse en quittant les pelouses pour les studios afin de s’essayer au rap, le temps d’un morceau ou plus selon la réussite. Parmi les bonnes surprises, on peut citer le néerlandais Memphis Depay, qui s’est lancé dans le rap avec plusieurs clips depuis son arrivée à l’Olympique Lyonnais en 2017. Il a ensuite sorti un premier album de qualité tout à fait respectable, intitulé Heavy Stepper en 2020. Moins heureux, on se souvient avec un peu de douleur l’adaptation en rap de l’hymne suisse, réalisée par l’ancien buteur rennais Alexander Frei en 2010. Disons qu’on n’était pas fan…
Football et rap : deux fondations de la culture contemporaine
Plus que deux disciplines populaires, football comme rap français sont des reflets des aspirations et des luttes de la société actuelle. Que ce soit par les rimes, les virgules ou les buts, rap et football percutent nos sensibilités de la même manière. Originellement issus des mêmes socles, ces deux piliers de la culture se maintiennent désormais mutuellement, et s’autoalimentent en multipliant les inspirations comme les collaborations.
De la même manière qu’aux USA le hip-hop fait partie intégrante de la culture NBA, le rap français est aujourd’hui indissociable du football hexagonal et même européen.