On a beaucoup parlé de notre ère moderne de distraction. Dans son livre de 2019 Comment ne rien faireJenny Odell met en garde contre les effets délétères de céder aux forces qui rivalisent constamment pour attirer notre attention : les flux des médias sociaux, la culture de consommation gamifiée, le cycle d'information exponentiellement sombre de 24 heures. Elle cite l’éthicien James Williams, qui écrit : « À court terme, les distractions peuvent nous empêcher de faire les choses que nous voulons faire. À plus long terme, cependant, ils peuvent s’accumuler et nous empêcher de vivre la vie que nous souhaitons vivre. Ce ne sont pas de petites préoccupations, dit Williams : « de profondes implications éthiques se cachent ici pour la liberté, le bien-être et même l’intégrité de soi ».
Je ne serais pas surpris si l'auteure-compositrice-interprète de l'Oregon, Haley Heynderickx, avait un exemplaire usé de l'œuvre d'Odell sur sa bibliothèque. Sur le morceau d'ouverture du deuxième album de Heynderickx, Graine d'une graineelle s'inquiète de ce problème d'attention : elle se sent coupable, accro à son téléphone et évite les SMS en comptant « les choses inutiles que j'ai achetées pour le profit de quelqu'un ». Mais elle est poursuivie par une autre version d'elle-même, qui finit par amener Heynderickx à ralentir et à recentrer son attention, plus précisément à «regarder le trèfle violet sur l'autoroute». Les fleurs aident ; Soudain, le rythme cardiaque anxieusement gratté de la chanson ralentit, s'épanouissant en lavis de douce guitare acoustique et électrique.
Cette suggestion – selon laquelle un tournant vers le monde naturel peut être une évasion du chaos de la vie moderne – se retrouve tout au long de l'écriture de Heynderickx (et, en fait, est un principe clé de Comment ne rien faire). À ses débuts, en 2018 J'ai besoin de démarrer un jardinHeynderickx a comparé la gentillesse humaine à « un rayon de miel/tenir l'abeille dans les plis », et sa vision de la romance consistait notamment à retirer doucement un insecte de la chambre de son amant. « Le bord de mon existence est essentiellement une comédie », a-t-elle chanté ; la solution, bien sûr, était de « créer un jardin ».
Sur Graine d'une graineHeynderickx met ce thème au premier plan et explore ses angoisses intérieures et la sagesse qui peut être glanée en dehors des limites de notre esprit. Elle raconte ces histoires avec une voix riche en miel qui peut passer de notes puissamment ceinturées à des chants enjoués. Ses chansons se déroulent souvent à la frontière entre modernité et nature : elle doute de la réalisation des rêves de grande ville en faisant tournoyer une digitale. Elle est coincée au volant de sa voiture mais trouve le temps de communier avec un caillou dans un ruisseau. Les téléphones portables et les colibris apparaissent presque à égalité. Alors que sa guitare choisie au doigt constitue le noyau émotionnel de ses chansons, elle élargit ici un peu sa palette sonore. Le violoncelle et le trombone donnent à des chansons comme « Redwoods (Anxious God) » et « Sorry Fahey » une richesse et une profondeur terreuses ; les riffs de guitare grêles et les harmonies rapprochées de « Spit in the Sink » confèrent à la chanson une sensation sobre et intime.