Pendant neuf mois, je me suis préparée avec bonheur au fait que ma vie d'auteure-compositrice allait être mise en suspens pendant que je m'habituais à ma nouvelle vie de parent. Quelle joie de découvrir que pendant les premiers mois de la vie d'un bébé, on peut le faire dans un transat et jouer de la guitare toute la journée. Pour la première fois de ma vie, j'ai pu regarder un autre être humain dans les yeux pendant que j'écrivais. Bien sûr, les nouveaux parents ont l'impression d'avoir découvert ce sentiment – l'un des plus beaux que la vie puisse offrir, celui de regarder son enfant dans les yeux et de ressentir l'énormité de l'image dans son ensemble, l'énormité d'une vie précaire, céleste, fragile et extraordinaire, prenant place au milieu de la constellation relativement banale d'une famille. Cette constellation banale semble avoir dominé l'écriture de Motifs répétés—le drame de la sphère domestique, les fils fragiles qui unissent une famille, les bonnes intentions que nous entretenons envers notre progéniture et les multiples façons dont elles se perdent dans le temps. Tant de complexité dans le banal, l'enfermé, le quotidien.
A 34 ans, 15 ans et 8 albums de ma vie en chanson, je ne peux échapper au fait que chaque disque a été un chapitre horodaté de ma vie (même si certains m'ont semblé plus prémonitoires). Aujourd'hui, nous voici, après une jeunesse passée à essayer désespérément de comprendre ce que signifie être une femme, me voici au sommet de la colline, avec une perspective entièrement nouvelle et immense autour de moi.
