Sampha : Critique de l’album Lahai | Fourche

Le roman allégorique populaire de Richard Bach de 1970 Jonathan Livingston Mouette raconte l’histoire d’une mouette chassée de son troupeau pour oser défier sa vision du monde en volant au-delà des nuages. Tout au long de son voyage solitaire, il trouve des moyens de canaliser son sentiment d’isolement vers la réalisation de soi ; il finit par s’élever vers un autre royaume, celui où des mouettes ostracisées comme lui planent dans le ciel en paix et sérénité.

« Jonathan L. Seagull », un morceau remarquable du deuxième album du chanteur, auteur-compositeur et producteur Sampha, The Meditative. Lahai, s’interroge sur les forces qui nous maintiennent liés à la réalité de la vie sur Terre. « Les saisons grandissent et les saisons meurent/À quelle hauteur un oiseau peut-il voler ? » il chante, comme pour élever littéralement l’auditeur. La production devient aérienne et dynamique alors que Sampha alterne entre son ténor riche habituel et un fausset haletant et perçant.

Il y a toujours eu quelque chose de transcendant, presque spirituel dans la musique de Sampha, comme écouter quelqu’un inventer son propre type de prière. Il vérifie une fois de plus le nom de notre protagoniste aviaire dans « Spirit 2.0 », LahaiLe premier single de et son joyau, où les synthés aux tons miel et les battements de batterie trépidants créent une ambiance à mi-chemin entre le mysticisme R&B d’Erykah Badu et l’expérimentation pop de Björk en milieu de carrière. « Tout comme Jonathan Livingston Seagull/Try catch the clouds as I free fall », chante-t-il, jusqu’à se rendre compte qu’il est mûr pour le salut : « L’amour va t’attraper/L’esprit va t’attraper, ouais. » En comparaison avec le reste de l’album, la production de « Spirit 2.0 » est plus clairsemée, plus intentionnelle dans son espace vide, reflétant l’engagement qui précède le fait de devoir faire un acte de foi.

Mis à part les oiseaux marins transcendantaux, il n’est pas étonnant que Sampha se rapporte à ces thèmes d’aliénation, d’individualité et de transformation. Son premier album de 2017, Processus– qui lui a valu le prix Mercury et a fait de lui une puissance du R&B après des années de collaboration avec des superstars comme Kanye West, Drake et Solange – a été écrit et enregistré à la suite de la perte de ses deux parents à cause du cancer. De l’autre côté du type de chagrin bouleversant encapsulé dans Processus des chansons comme « (No One Knows Me) Like the Piano » sont une expansion émotionnelle, une libération psychologique lorsque ces émotions lourdes cèdent enfin la place à quelque chose de nouveau ; Lahai célèbre cette transition.