Staś Czekalski : Critique de l'album Przygody

Se promener dans Varsovie présente une étrangeté unique parmi les villes européennes. Son architecture même crée une sorte d'illusion ; Après que la vieille ville ait été entièrement incendiée pendant la Seconde Guerre mondiale, ses citoyens se sont rassemblés pour reconstruire bon nombre de ses sites historiques, réutilisant même les décombres des bâtiments qui avaient été perdus. Les peintures du paysagiste italien Bernardo Bellotto ont été utilisées comme point de référence, son utilisation de la camera obscura offrant des représentations très détaillées de structures réduites en cendres. Mais cette même méthode entraînait de légères inexactitudes, provoquant une dissonance pour ceux qui se souviennent de la ville telle qu’elle était avant la guerre. En voyant ces bâtiments centenaires construits de mémoire, on éprouve une sensation étrange : est-ce vraiment ce que l'on ressentait en se tenant à côté, par exemple, du château royal de la ville lorsque sa peinture était encore fraîche ? Ou est-ce plus proche d’une réimagination de ce sentiment ?

Les débuts de Staś Czekalski voient également Varsovie à travers une lentille surréaliste à moitié simulée. Enregistré lors de son déménagement depuis Poznań, l'album documente les explorations de Varsovie par le compositeur polonais, découvrant de nouvelles merveilles à chaque coin de rue. La musique de Czekalski a une mélodie de berceuse : ses marimbas sautent et descendent de manière ludique comme des têtards, tandis que de minuscules guitares MIDI grattent comme si elles étaient tirées d'une rêverie. Czekalski colore sa musique avec une touche sobre similaire à celle de ses camarades du label Mondoj, Piotr Kurek et GS Sultan, évoquant les grooves méditatifs d'Andras Fox croisés avec les exercices idiots de Kate NV. Sculptant doucement des formes clairsemées dans le silence, Czekalski laisse chaque son rebondir sur les autres comme des objets flottants dans un vieil écran de veille de bureau.

Przygody se traduit par « Aventures » en polonais, et Czekalski imprègne sa musique de ce sentiment de recherche aux yeux écarquillés, fixant chaque petit son comme un enfant retournant des cailloux. Sur « Pogoda ducha », il joue sur un simple motif pizzicato, superposant des blocs de bois cliquetants les uns après les autres sur son écho délicieusement caricatural. Czekalski apprécie les surfaces lisses de ses instruments MIDI, qu'il s'agisse des guitares spa en nylon qui flottent sur « Koniec lata » ou des touches de type Casio de « Dim Lounge », qui s'enchaînent sur des boîtes à rythmes amateurs tout droit sorties de l'ère GameCube de Traversée d'animaux. Plus l’album avance, plus le vide s’agrandit : les flûtes de pan de « Mini Farmer » et « Muzeum Ewolucji » semblent appeler au silence, leur ton anormalement haletant prenant une teinte psychédélique absurde.