Pendant un moment, au début des années 2010, le dubstep était le nouveau son délirant du monde électronique. Les synthés brillants comme des lasers et les wubs vomissants de sous-scènes comme le brostep et le riddim ont pris le pas sur le style britannique austère et trouble des années 2000 et ont enflammé le circuit des festivals. Nous savons tous comment cela s'est terminé, mais le style n'est jamais vraiment mort, et maintenant les jeunes qui ont grandi en écoutant la musique de Monstercat et Trap Nation balancent leur propre folie futuriste et l'appellent dubstep. Le producteur de la nouvelle génération le plus excitant est peut-être Syzy, un concepteur sonore virtuose dont le nouvel album, Le poids du mondeest le premier album du genre le plus enivrant depuis des années.
Le producteur californien a travaillé dans l'ombre pendant un certain temps, sortant quelques EP de dubstep déchirants et expérimentant des quêtes secondaires folles dans le monde souterrain de SoundCloud. Ils ont créé des mashups dariacore bizarres et un club de Jersey grillé sur Internet en tant que membre du collectif anarchique TwerkNation28 ; le streamer culte iShowSpeed a détourné l'un de leurs beats pour un hit viral contagieux. Le poids du monde combine ces impulsions loufoques avec un savoir-faire technique impeccable. C'est une interprétation astucieuse d'un genre souvent décrié comme un carnage insensé.
Ces chansons donnent l'impression de contempler des constellations pixelisées où des éclats de synthé scintillent entre des nuages sombres de brouillard de basse. Syzy empile les somptueuses intros et outros des chansons avec des éclats vocaux, des barbotements infernaux et des scintillements doux ASMR. Les drops ornés semblent moins adaptés aux délires qu'à une attention particulière. « HEART123 » scintille follement, comme si un glacier pouvait être étiré comme un accordéon. Le point culminant extatique de « Caught up (in circles) » est comme voir de la couleur après une vie monochrome. « Get a grip ! » fait monter adroitement la tension, puis fait éclater deux drops en succession rapide : le premier est noueux mais c'est une fausse pompe comparé au second fantastiquement féculent, qui ressemble à un robot-monstre vomissant un torrent de bile vert fluo.
Le poids du monde Si l'album est si immersif, c'est en partie parce que Syzy n'a pas voulu qu'il soit purement fonctionnel. Plutôt que des basses machistes ou des drops casse-cou, l'artiste cite l'hyperpop et le rock alternatif maison (comme les « coutures » de twikipedia) comme principales influences de la palette sonore émotionnellement vertigineuse de ce disque. L'éruption de bruits de bavardage sur l'intro rappelle le « moment kodak » de Jane Remover. Le motif kitsch de l'échantillon « Eureka ! » rappelle quelque chose d'une cassette d'Underscores. « In your face ! » frissonne avec des synthés brillants comme Rustie, comme si le sorcier de la basse G Jones avait suivi un cours de musicologie PC. L'outro de cinq minutes de « Experience (HIGHER) » est tellement rempli de bips flous et de brume pixellisée qu'il ressemble à du shoegaze pour cyborgs.