Un chien géant : critique de l’album Bite

Chez Chien Géant mordrele premier lot de nouveau matériel du groupe d’Austin, Texas depuis 2017 jouet, se présente comme un album concept, mais Avalonia (le royaume inventé dans lequel se déroule l’action) ne diffère guère des États-Unis modernes. C’est une technocratie, un lieu où le cyberespace l’emporte sur l’incarnation, et dans le récit de A Giant Dog, on ne sait pas quelle force finira par triompher : le « synthétique-émotionnel » artificiel ou l’envie bien trop humaine de « déchirer le lieu » à la recherche d’un un paradis tangible et équitable. Nous vivons dans une société, en effet, et le groupe explore ce fait malheureux à travers neuf chansons rock exaltantes et anthémiques mêlées à un yawp provocateur, tour à tour convaincant et artificiel.

mordre possède une ferveur similaire à celle de 2016 Toison, dont « I’ll Come Crashing » sonne comme le nec plus ultra des bandes sonores de vidéos de skate, mais là où les chansons précédentes se lisent comme des dépêches au bord d’une bagarre, la dernière du groupe est imprégnée de brillance et de grandeur glam-rock. « Happiness Awaits Inside » s’ouvre sur quelques mesures instrumentales qui canalisent T. Rex via Ennio Morricone, et quand Sabrina Ellis chante « Coudre-moi une robe, je vais au centre-ville/Dans le tissu de l’espace et du temps », on a l’impression que comme se pavaner dans un saloon sur la ceinture d’Orion. La voix langoureuse et ricanante d’Ellis sur « A Daydream » contre des cordes frémissantes et une ligne de basse grondante, un jaguar arpentant un essaim d’abeilles avant que les dernières secondes ne sombrent dans un délicieux chaos. Le tempo entraînant et la batterie enfiévrée de « In Destiny » rappellent le meilleur du catalogue du groupe, un cantique d’Iron Maiden comme à la maison dans un jeu de Taxis fous comme ce serait le cas lors du voyage d’un héros.

Mais au milieu de cette férocité, certaines facettes de l’album s’effondrent sous un examen plus attentif. « Different Than » s’ouvre de manière prometteuse avec un riff de Bratmobile et une mélodie de ver d’oreille, mais à mi-chemin, il cède la place à un refrain de style « Fight Song », le genre de triomphe qui semble étrangement creux. Un changement tout aussi choquant se produit dans « Watch It Burn », qui commence par une reconnaissance immédiate d’une « justice lourde et lourde », puis se transforme en ce qui ressemble à l’acte final d’une comédie musicale sur scène. « Un de ces jours, j’apprendrai/Tu n’as qu’à le regarder brûler », chante le groupe comme le casting de Les misérables.

Une partie du problème réside dans le flou d’Avalonia lui-même, qui semble exister contrairement à l’humanité, « une loi qui est écrite dans votre âme », comme le chante Ellis sur « Watch it Burn ». Est-ce une version hébergée dans le cloud de la réalité, avec les mêmes injustices ? mordreLes chansons les moins réussies ne galvanisent jamais vraiment l’auditeur, s’appuyant soit sur des platitudes, soit sur des aléas. (Un personnage de « Daydream » implore : « Humain, d’où viennent tes bras ?/Utilise-les, tout comme un algorithme./ Ton corps n’a jamais été le bienvenu./Il y a la paix ici en Avalonia. ») Les cris de ralliement eux-mêmes ne sont pas particulièrement clairs, sauf comme une reconnaissance de nous (les marginalisés) contre eux (les marginalisateurs). Sans un guide des personnages d’Avalonia, sans une idée de la façon dont les batailles de ce monde diffèrent de celles qui se déroulent ici et maintenant, il est difficile de savoir précisément dans quelle direction canaliser une juste rage, ou si cela vaut la peine d’être invoqué.