Pas à pas et lentement, Bell Witch approche depuis toujours La porte clandestine, qui n’est pas seulement le nouvel album d’une seule chanson de 83 minutes du duo de Seattle, mais aussi le premier volume d’une trilogie destinée à tourner en boucle éternellement. Il y a dix ans, le duo sans guitare utilisait la basse et la batterie pour créer un doom turgescent mais familier, les chansons d’une douzaine de minutes de leurs débuts, Désir, titubant vers la gloire. La suite, 2015 Quatre fantômesressenti épiphanique en comparaison, ses doubles tandems de pièces beaucoup plus longues et plus rayonnantes semblant s’élever vers le ciel depuis l’enfer, comme Hieronymus Bosch enchâssé dans des roues doubles de cire noire.
La mort en 2016 du batteur co-fondateur Adrian Guerra n’a fait qu’amplifier les ambitions du bassiste Dylan Desmond, comme si l’urgence existentielle le poussait à ralentir et à s’étirer encore plus. Miroir Faucheur arc et endoloris pendant plus de 80 minutes ininterrompues, le frottement constant entre ses parties colossales projetant des étincelles rayonnantes. L’un des morceaux de métal les plus longs de tous les temps, c’était beau mais concluant. Où va un groupe avec un seul morceau si long qu’il est partagé entre deux CD, à part peut-être le conservatoire ?
Plus gros, répliques La porte clandestine. Cet étalement s’ouvre sur un chant d’orgue puissant, ondulant comme un drapeau massif se balançant dans une faible brise. C’est ainsi que le cycle de trois albums proposé par Bell Witch, L’ombre du futur, se terminera également probablement, l’organe revenant pour reconnecter la fin au début pour former un cycle qui n’a en fait ni fin ni début. Le Bhavacakra, les ouroboros, l’éternel retour : Desmond et le batteur Jesse Shreibman ont relevé ce motif panculturel de certaines des œuvres les plus célèbres de Friedrich Nietzsche. Autant que La porte clandestine est le point culminant de la dernière décennie de Bell Witch, il marque également le début sûr de leurs prochaines années, la première étape d’une mission vraiment audacieuse et titanesque.
L’incessant imprègne ces paroles hurlées, grognées et sifflées, pleines de « l’aube récurrente[s] » et » flèche[s] délié à jamais. L’obscurité se transforme en lumière, la vie en mort, encore et encore, encore et encore. Mais le résultat le plus immédiat et le plus durable de cette approche de l’infini est structurel. Une petite poignée de riffs et de figures rythmiques se faufile La porte clandestine, disparaissant pour réapparaître sous une forme légèrement déformée. Le disque est plus un motel ordonné qu’un manoir tentaculaire, quelques motifs répétés à travers le dédale des niveaux et des couloirs.
La porte clandestine se déplace dans une chaîne de segments interconnectés de trois à cinq minutes, la plus grande pièce se déplaçant toujours subtilement juste avant que l’ennui ne s’installe. Au début, c’est la façon dont les notes de basse aiguës de Desmond commencent à tracer un filigrane soigneux sur l’orgue stable de Shreibman ; près de 45 minutes plus tard, c’est la façon dont les chants monastiques lointains se transforment enfin en grognements de death metal, coupant la rêverie et la renvoyant sur un sol solide. Ces retours éternels concernent moins des vies infinies que des répétitions piétonnes ou des structures sociales survivantes qui nous demandent souvent la même chose au moins cinq jours par semaine. Une interprétation terrestre de Nietzsche, La porte clandestine définit la vie comme l’exercice d’endurance ultime.