Carly Rae Jepsen: Critique de l'album E•mo•tion (édition 10e anniversaire)

À l’été 2015, Carly Rae Jepsen se tournait vers l’avenir : « Mon désir maintenant, a-t-elle déclaré à un intervieweur, c’est de voir jusqu’où je peux étendre la pop. » Ses derniers mouvements étaient issus du charme assez bon de Baiser» – l'album qui contenait son hit étonnamment dominant « Call Me Maybe » – dans un territoire plus brillant et d'inspiration vintage : batterie fermée, synthés grinçants, quelques solos de saxophone. La pop des années 80 ressassée pour le nouveau millénaire semble figée dans son omniprésence aujourd'hui, mais vous souvenez-vous de l'époque où elle ressemblait en réalité à une nouvelle idée audacieuse, où embrasser ce moment, dans tout son schmaltz et son sentiment, pouvait représenter un tournant artistique véritablement surprenant ?

La première étape pour revendiquer l'avenir de Jepsen était Émotionun disque de chansons acérées comme du diamant, vieux de dix ans maintenant, réédité dans une édition de luxe pour le 10e anniversaire. Dans d'innombrables interviews, elle a rejeté l'idée selon laquelle la musique pop – la sienne ou celle de n'importe qui d'autre – devrait être considérée comme un « plaisir coupable » et Émotion est, à juste titre, un disque de plaisir total : inconscient, effervescent, sans ironie. Ce sont des chansons qui évoquent de grands sentiments, assorties d'une production à gros budget, démontrant une dévotion éhontée à la pop pure : rythmées, étroitement structurées, bourrées d'accroches chantables et de paroles qui ne résistent pas parfaitement à un examen minutieux mais qui semblent néanmoins immédiatement identifiables. « Run Away With Me » est l'équivalent sonore d'un canon à confettis, la traduction sonore de la façon dont un béguin vous fait vous sentir invincible. « Boy Problems » est néon et dynamique avec sa ligne de basse groovy, son refrain de na na nas et des coups de percussion comme le genre de texte que vous envoyez avec 15 points d'exclamation. Les exceptions à la formule des bubblegum bangers sont tout aussi gratifiantes : le « Warm Blood » maussade et haletant et la ballade posée « All That » élargissent doucement le son de Jepsen sans devenir une distraction.