Chunky: Critique de l’album de Somebody’s Child

Depuis au moins 15 ans, Chunky est la voix non officielle de la scène des clubs underground de Manchester : un hôte toastant dans la vieille tradition, mais avec un humour doux et un comportement musical qui évitent les signes extérieurs macho habituels des MC de club. Il plonge et danse sur le hip-hop et la crasse avec la même facilité que la drum’n’bass et la techno leftfield, et ses extraits sonores nasillards et ses aphorismes effrontés – sur les lignes de basse grossières, le prix d’un sac d’herbe – sont souvent le son qui sonne à gauche dans les oreilles des clubbers alors qu’ils rentrent chez eux à l’aube.

Manchester a beaucoup changé depuis que Chunky a commencé à cracher, avec des milliards de livres injectées dans la construction de nouveaux monolithes de verre et d’acier dans tout le centre-ville, chassant les habitants et attirant les yuppies avec un penchant pour les plaintes de bruit. Et tandis que le bagage culturel de la ville balance toujours lourd – Factory Records, l’Haçienda, ces Gallaghers et leurs légions d’acolytes à la parka et à la coupe carrée – le bourdonnement de la musique électronique qui repousse les limites est resté constant. Avec L’enfant de quelqu’unl’effort solo le plus substantiel du rappeur-producteur à ce jour, Chunky s’inscrit dans une riche lignée qui va de A Guy Called Gerald à Anz : une lignée qui met l’accent sur le caractère, le charisme et, parfois, juste un peu bizarre.

En dépit de l’endroit où il a été incubé, L’enfant de quelqu’un se sent éloigné de l’agitation ouverte du club ou de la démangeaison des afters. Au lieu de cela, ces influences nocturnes arrivent comme des éruptions solaires, déclenchant des aurores parsemées de couleurs et de lumière : la production est sobre, particulaire et trippante, dirigée par une sorte de curiosité enfantine qui correspond à la douce intimité de la prestation vocale de Chunky.

Il sautille entre les éclats métalliques sur « RNS », déclame sur la ligne de basse affaissée du canapé de « GNG » et se faufile dans une obscurité brumeuse sur « Meh ». L’ouverture « OUI I » se double d’un manifeste fascinant de flux de conscience qui saute sans accroc entre les spectacles sur scène et Rosa Parks, Napoleons Dynamite et Bonaparte, les barges d’épaule et les tours de cartes. Il tisse des interviews franches avec des membres plus jeunes de la famille entre le dancehall brisé de « Long N Strong », transformant les arrangements de percussion distants et minuscules en moments d’intimité familiale. Ce faisant, il applique les mêmes qualités qui l’ont aidé à réchauffer les foules dans la danse, les poussant à se déplacer vers l’avant, à remplir l’espace, à se connecter avec des étrangers.

Cette approche de forme libre a ses limites. Il y a des croquis qui donnent l’impression d’être encore au stade de brouillon. Le bop jazzy de « Giv U », une tendre dédicace à sa mère, a du mal à supporter le poids d’or des répliques de Lemn Sissay comme « Si j’avais pu choisir, sache que j’aurais quand même fait de toi ma maman / J’aurais volé, j’aurais tué, j’aurais trouvé une excuse/Pour continuer à faire de vous mes ducs.