Les grandes sociétés de musique envoient une lettre au CRTC canadien, l'exhortant à ne pas réglementer le streaming comme s'il s'agissait de la radio

Les groupes industriels représentant les principales maisons de disques et les plateformes de diffusion en continu ont un message à adresser au régulateur canadien des télécommunications : la diffusion en continu n'est pas la radio et ne devrait pas être réglementée comme si elle l'était.

« Nous vous écrivons aujourd'hui pour renforcer un message important partagé tout au long des consultations : la radio et le streaming audio ne sont pas les mêmes », indique une lettre de Musique Canada et DiMA (la Digital Media Association) à l'organisme de réglementation des télécommunications du Canada, le CRTC.

Music Canada représente les trois principales maisons de disques du pays : Sony Musique Divertissement Canada, Musique universelle Canadaet Warner Musique Canada. DiMA représente diverses sociétés de médias numériques, notamment Amazon Musique, Pomme Musiqueet Spotify.

Les groupes répondaient à la récente série d'ateliers du CRTC sur la mise en œuvre de nouvelles règles régissant les services de diffusion en continu.

En vertu de ces règles, les services de diffusion en continu qui n'appartiennent pas à des Canadiens et qui possèdent plus de 25 millions de dollars canadiens (env. 18,5 millions de dollars américains) en revenus au Canada chaque année sont tenus de payer 5% de ces revenus dans des fonds qui subventionnent le contenu et les créateurs canadiens.

Dans le cadre de ce plan, 1,5% des revenus des diffuseurs de musique seraient destinés à subventionner les stations de radio locales.

Le règlement, qui découle d'une nouvelle loi – la Loi sur le streaming en ligneadoptée en 2023 – fait écho à des réglementations antérieures de l’ère de la radiodiffusion, qui obligent les radiodiffuseurs canadiens à contribuer aux fonds soutenant la création de contenu radiophonique, télévisuel et cinématographique canadien.

Les sociétés de streaming musical et vidéo se sont vivement opposées au projet, certains diffuseurs de musique affirmant qu'il était fondamentalement injuste d'exiger des services de streaming qu'ils subventionnent les stations de radio, qui sont en réalité leurs concurrentes.

En juillet, Amazon, Apple et Spotify ont déposé une contestation judiciaire contre cette règle auprès de la Cour fédérale du Canada, tandis que le Association du cinéma – Canadaqui représente Netflix et plusieurs grands studios hollywoodiens, dont Disney, Primordial, Sony, NBCUniversal, et Découverte de Warner Bros.a déposé une plainte similaire.

Lors des ateliers du CRTC, « il y a eu une tentative claire de faire du maintien de la réglementation de la radio sur les services de streaming audio une prochaine étape évidente », ont déclaré Music Canada et DiMA dans leur lettre. « Nous ne sommes pas d'accord. »

La lettre soutenait que la réglementation canadienne sur la radio avait été conçue pour résoudre les problèmes créés par sa vaste géographie, sa « dualité linguistique » (anglais et français) et le fait que l'espace sur la radio analogique est limité, rendant nécessaire la décision sur ce qui sera diffusé.

Le streaming n’a « aucun » de ces problèmes, affirment la lettre de Music Canada et DiMA.

« Orienté en termes d'intérêt et d'activité individuels de chaque consommateur, il représente des heures d'écoute presque infinies, un vaste catalogue d'enregistrements, une pléthore de langues, et a brisé non seulement la géographie physique mais également les frontières internationales. »

« Non seulement le streaming a permis aux Canadiens de toucher le monde d'une manière auparavant inimaginable, mais le streaming a permis à des artistes canadiens qui n'avaient pas de place dans le système radio traditionnel d'être trouvés par leurs fans canadiens et internationaux.

Musique Canada et DiMA

Faisant écho à un argument avancé plus tôt par des sociétés comme Netflix et Spotify, la lettre soutenait en effet que le contenu canadien n'a pas besoin de subvention à l'ère numérique.

« Trois des 10 chansons les plus diffusées en Inde en 2022 étaient des artistes canadiens – un fait qui serait inconcevable pour les fondateurs de notre système de diffusion terrestre », indique la lettre.

« Non seulement le streaming a permis aux Canadiens de toucher le monde d'une manière auparavant inimaginable, mais le streaming a permis à des artistes canadiens qui n'avaient pas de place dans le système radiophonique traditionnel d'être trouvés par leurs fans canadiens et internationaux. Cela a conduit à des niveaux plus élevés de diffusion en streaming pour les femmes et les artistes de diverses races par rapport à la radio canadienne.

Plus tôt cette année, Spotify a déclaré que les artistes canadiens « gagnent plus grâce aux diffusions à l’extérieur du Canada qu’au niveau national… Le Canada est le troisième pays au monde qui réussit le mieux à exporter ses artistes via Spotify ».

« Nous ne serons pas en mesure de continuer à financer bon nombre des programmes qui dépendent désormais de notre soutien, car nous devons maintenant allouer des ressources pour répondre au nouveau mandat d'investissement du CRTC.

Netflix

Pour sa part, Netflix soutient depuis longtemps qu'elle finance déjà le contenu canadien, volontairement, par le biais de la production d'émissions de télévision au Canada et par le biais de subventions à diverses organisations qui soutiennent les créateurs de contenu canadien. Netflix a déclaré avoir dépensé une certaine somme 25 millions de dollars sur ces programmes, soutenant plus de 1 200 réalisateurs, producteurs, scénaristes et interprètes canadiens.

Cependant, à la lumière des nouveaux frais de diffusion en continu du CRTC, cela semble avoir pris fin. Divers groupes culturels ont appris la semaine dernière que Netflix réduirait son soutien financier afin de couvrir le coût des nouveaux frais de streaming.

« Malgré notre engagement de longue date, le gouvernement a choisi de ne pas reconnaître notre soutien substantiel au secteur canadien du cinéma et de la télévision », a déclaré Netflix, cité par Le Globe and Mail.

« Par conséquent, nous ne serons pas en mesure de continuer à financer bon nombre des programmes qui dépendent désormais de notre soutien, car nous devons maintenant allouer des ressources pour répondre au nouveau mandat d'investissement du CRTC.

Le Globe and Mail a rapporté qu'un certain nombre de programmes de développement professionnel et d'institutions culturelles sont « menacés » en raison du retrait de Netflix, notamment le Programme des scénaristes du Pacifiqueet Documents chaudsle plus grand festival de films documentaires d'Amérique du Nord, qui se tient chaque année à Toronto.