Peso Pluma : Critique de l’album ÉXODO

Commençons par le mulet Edgar : la coupe de cheveux qui fait que les enfants de tout le Mexique entrent dans les salons de coiffure et exigent le « Peso Pluma ». Ce n’est là qu’une des particularités qui ont fait de Hassan Emilio Kabande Laija l’homme du moment dans la musique mainstream de langue espagnole. Il y a les bijoux coûteux et les vêtements de créateurs – montres Richard Mille, chaussures Christian Dior, vestes Maison Margiela – dont il vérifie régulièrement le nom dans ses chansons. Il y a son physique élancé. Et puis il y a sa voix : un croassement ou un râpe rauque, parfois grinçant, selon son humeur. Cette voix singulière chante plein de choses : faire éclater des bouteilles de Dom, transporter des briques de coca, assassiner des ennemis, sortir avec des mannequins russes. Vous savez, un mardi moyen.

Au cours de la dernière année, le chanteur mexicain de 25 ans d'origine libanaise a accumulé une liste de records et de disques en streaming accompagnés d'un reçu CVS, propulsant la musique mexicaine vers des sommets commerciaux sans précédent. EXODO, son quatrième album studio, est une sorte de tour de victoire ; le LP célèbre le chemin parcouru par le mouvement, avec Pluma emmenant ses potes, ses cousins ​​et ses collègues pionniers comme Natanael Cano, Junior H, Tito Double P et Eslabon Armado avec lui. Mais l'album est également une véritable tentative de consolider la polyvalence de Peso Pluma – et la longévité qu'il promet – dans l'industrie. EXODO confirme qu'il est l'un des artistes de corrido les plus charismatiques de notre époque, mais quant à sa capacité à changer de forme à travers les genres et les flux, Peso Pluma, la pop star, a encore du pain sur la planche.

Le crépitement de la voix de Peso est le noyau en fusion de EXODO. Sa particularité est une bénédiction, mais à certains moments, elle peut aussi être une malédiction. Son grognement grossier est particulièrement efficace sur le norteño à mains nues « La People II », qui semble avoir été écrit du point de vue de Joel Enrique « El 19 » Sandoval Romero, tueur à gages et chef de la sécurité du cartel de Sinaloa qui a été arrêté par le gouvernement mexicain en 2014. Pluma et ses invités grondent méchamment en racontant des histoires de combats entre policiers, gardes nationaux et militaires pour protéger leurs patrons (apparemment Ovidio Guzmán López, un haut dirigeant du cartel de Sinaloa et le fils de El Chapo) depuis sa capture. Peso reprend la voix d'El 19, demandant à ses associés de prendre soin de « sa terre, de sa famille et de ses parents », probablement pendant qu'il est enfermé.

Le débat sur le rôle des artistes dans la glamourisation de la narcoculture n'a pas commencé – et ne se terminera pas – avec Peso Pluma. Trop souvent, les vedettes du narcocorrido sont devenues les boucs émissaires idéologiques de l'incapacité du gouvernement fédéral à freiner la violence ; d’autres fois, les artistes ont nié avoir le moindre impact socioculturel. Le discours est chargé, mais une chose est sûre : Pluma excelle lorsqu'il interprète le mythe de la narco culture, sans restriction. Cela le place fermement dans la généalogie de ses ancêtres, à l’instar de ses défunts idoles Chalino Sánchez et Ariel Camacho, qui ont fait preuve d’un talent similaire pour la narration passionnée, même s’ils romantisaient des récits de meurtre et de vengeance. La Doble P réinvente cette tradition sur « Put Em in the Fridge », un rythme froid de corrido-trap construit sur une boucle de cor tonitruante. Il essaie une cadence grinçante mais belliqueuse pour la taille, se vantant avec Cardi B de déplacer des kilos et appelant les tireurs à mettre leurs ennemis sur la glace. Le don de Cardi pour le rap sportif en espagnol et en anglais dominicain fait d'elle une collaboratrice naturelle ici ; le couple va bar pour bar dans un spectacle palpitant et paon. C'est aussi un sublime exemple du talent de Pluma à redéfinir son héritage musical pour le présent.