Police de caractère : Critique de l'album Strange Burden

Thom Waddill, leader du quintet rock d'Austin Font, convoque ses paroles dans des accès d'instinct semi-conscients. Rappels de rêves et écriture automatique ; poèmes griffonnés et marmonnements insensés. Waddill semble vivre au milieu de tours de pages empilées au hasard – des essais de Cormac McCarthy et des Dostoïevski écornés – découpées comme un enfant qui aime les ciseaux. Les éclats anguleux et polyrythmiques de ses camarades de groupe sont tout aussi réflexifs, souvent construits à partir de la batterie pendant les séances d'improvisation. Sur leur premier album, Étrange fardeauFont fusionne guitare post-punk crasseuse, percussions explosives et riffs de synthé enflammés, consacrant près de trois ans d'évolution de sets live sur bande. Ils ne perdent rien dans le processus. Étrange fardeau est méticuleux et crépitant – un disque concis et captivant qui étincelle et grésille comme un éclair plié.

Font est un groupe de musiciens polyvalents, la plupart des membres se déplaçant à tout moment entre les cordes, le synthétiseur ou un pad d'échantillonnage. Pendant les concerts, le bassiste Roman Parnell et le guitariste Anthony Laurence échangent leurs instruments avec Waddill à l'avant de la scène, tandis que les deux batteurs de Font, Jack Owens et Logan Wagner, se livrent à des duels rythmiques à l'arrière. Wagner reste debout pendant qu'il joue et, bien sûr, joue également d'un échantillonneur. Ce genre de dextérité ne fait qu'aider les arrangements foisonnants de Font, qui dissèquent et réaniment une pile de genres à trait d'union. Mais essayer d'identifier la musique de Font est une affaire délicate : post-punk, art-rock, dance-punk, noise-pop… ce sont tous des descripteurs précis mais insuffisants.

Font a été assez explicite sur ses influences : Talking Heads, LCD Soundsystem et Radiohead ont tous été cités. Mais ils s'inspirent également du disco tordu d'Ian Dury and the Blockheads, de l'agit-jazz de James Chance et du prog débile à la Squid et Black Midi. Les premiers singles de Font sont émouvants et agressifs. « Sentence I » est un sermon punk tordu, stimulé par les riffs de basse élastiques de Parnell et les cloches de vache de Wagner. Sur « It », Waddill tord sa voix entre des cris haletants et des cris rauques, tandis que la guitare de Laurence grince comme une scie circulaire rongeant l'acier. La chanson est un exemple précoce de l'humour absurde de Waddill :

Cela passe par le corps
Il ouvre la porte
Il rampe sur ma jambe pendant que ma mère est au magasin
C'est une insulte à mon père
Il appelle Dieu
Il prend le soleil sur le pont avec abandon

Ce « Ça » sans visage est d’abord menaçant, suggérant une espèce hostile et inhumaine. Mais le détour soudain vers une épicerie, puis vers une chaise de porche où « Ça » bronze « avec abandon », ressemble à des portraits tordus du banal. La plupart des chansons de Font modulent la tension de cette façon, et Waddill tient à évoquer des visuels hyper spécifiques et dépareillés, comme s’il jouait un solo de guitare. Cadavre exquis.