Shannon Lay : Covers Vol.1 Critique d’album

Shannon Lay a toujours eu un lien intime avec ses héros. Sur « Novembre », extrait de son album de 2019 Août, elle s’est interrogée sur le sort de Nick Drake et a essayé de le considérer comme un être humain en chair et en os plutôt qu’une simple influence : « Je pense souvent à lui », chante-t-elle doucement. « Je me demande s’il écoute / Je me demande si une voix si calme pourrait jamais mourir. » Pour Lay, il y a une consolation dans l’idée que Drake pourrait vivre dans les chansons qu’il a laissées derrière lui, et peut-être même dans ses chansons, qu’elles le mentionnent ou non.

Il est révélateur que plus de la moitié des artistes du premier album de reprises de Lay soient morts : Nick Drake, Elliott Smith, Jackson C. Frank, Arthur Russell et Lou Reed. Les versions de Lay de leurs chansons sont des séances, un moyen de communication directe, mais sa musique n’est jamais trop respectueuse ou fantomatique avec indulgence. Au contraire, elle respecte le calme des originaux, cette qualité éternelle, et Lay sait que la retenue peut concentrer la mélancolie de « I Lost Something in the Hills » de Sibylle Baier et aiguiser les pointes de « Close My Eyes » de Russell.

Rien ici n’est aussi transformateur que la reprise en direct de Lay de « Everybody, Everybody » de Black Box, qui refond le banger de danse des années 90 en un appel et une réponse indie-folk, sans l’ironie tapageuse de tant de reprises inter-genres. Plutôt que grandioses ou ambitieuses, ses interprétations reposent sur des changements subtils, des choses que vous ne saisirez peut-être pas la première fois. Elle distingue sa version du « Blues Run the Game » de Frank des nombreuses autres en employant une voix plus puissante pour lui donner un ton optimiste inattendu. Plutôt qu’une lamentation comme l’original, la sienne est une rumination sur l’interdépendance : cela devient étrangement rassurant de savoir que tout le monde partout est motivé par le même blues.

Lay ne peut pas tout à fait rassembler la rancune et l’amertume de « Angeles » de Smith, mais grâce à son doigté habile et aux fioritures de piano de Debbie Neigher, elle refond la chanson plus comme une question qu’une déclaration. « From the Morning » de Drake se termine par une coda tirée de l’instrumental « Horn », également de Lune rose. C’est une touche agréable et consciente qui vous rappelle qu’elle s’inspire non seulement en tant que chanteuse et compositrice, mais aussi en tant que guitariste.

Parmi ces héros, il est surtout intéressant de l’entendre aborder des chansons de ses pairs. Lay a tourné en tant que guitariste avec Ty Segall, elle connaît donc intimement son sens de la mélodie et des paroles, avec son propre groupe de héros. « The Keepers », extrait de son album de 2013 Dormeur, s’installe confortablement parmi ces chansons plus anciennes, Lay ajoutant une nouvelle couche à son exhortation à la créativité radicale : « Nous pouvons encore rêver et serrer nos mains / Et chanter une chanson si grande. » En revanche, elle draine la nausée psychédélique de « I Am Slow » d’OCS, en la remplaçant par un thème de guitare hésitant qui sonne comme une ellipse à la fin de cette collection. Ce n’est pas la conclusion la plus satisfaisante, mais cela vous rappelle que Couvre le tome 1 ce n’est pas un album autonome mais le premier volet d’un projet plus vaste. Ces enregistrements suggèrent que Lay ne se contente pas de cataloguer ses influences : elle nous montre comment elle continue à vivre avec elles.